03 Jan. 2020

LA DURABILITE MADE IN BRESIL

Designers

Rencontre avec Flavia Aranha, la marque éponyme propose des pièces de haute qualité réalisées avec des teintures naturelles.


Fondée en 2011 par la créatrice brésilienne Flavia Aranha, la marque éponyme propose des pièces de haute qualité réalisées avec des teintures naturelles. La créatrice nous a parlé de sa marque, ses inspirations et les difficultés auxquelles une marque écoresponsable fait face en 2019.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel ?

J’ai fondé ma marque durable après avoir travaillé dans la mode ordinaire au Brésil. Durant la première partie de ma carrière, j’ai travaillé pour l’industrie “traditionnelle” en Chine et en Inde, où j’ai été témoin des horribles conditions de travail et environnementales. J’ai réévalué mes valeurs et j’ai pris la décision de dédier ma vie à créer une société et un monde plus agréable, donc j’ai quitté mon emploi et j’ai voyagé à Brésil pour approfondir ma connaissance sur la nature et les savoirs incroyables des arts et métiers. J’ai voulu prouver à l’industrie que je pouvais diriger mon entreprise (ouvrir une boutique et un studio) d’une manière éthique avec un impact positif : faire de la mode durable ça fonctionne! J’ai parcouru le monde entier pour rechercher des teintures naturelles et des tissus bio et pour travailler avec. J’ai une grande chaîne de fournisseurs : je travaille avec des petits fermiers qui produisent des plantes bio et éco-responsables, tels que le coton et la soie. La durabilité n’est pas un style, je pense que chaque entreprise devrait défendre ces valeurs.

Comment êtes-vous arrivé sur le chemin de la mode éco-responsable ?

Le voyage et l'expérience sont très importants, cela m’a permis de changer ma vision des choses. Lors de mon voyage en Chine, j’ai vu des personnes souffrir et travailler dans des conditions que je n’accepterais jamais, c’était un sentiment vraiment étrange. J’avais un seul but, chercher un polo qui coûte 2.99$ pour mon patron. Quand je l’ai trouvé j’ai été promu. Cet épisode était un véritable déclic pour moi. Aujourd’hui, tous nos vêtements possèdent un code QR relié à une vidéo qui explique comment nos produits sont fabriqués. Ce système permet d’accroître la sensibilisation et de changer les modèles de consommation. Mon entreprise se veut d’éduquer les différents acteurs, des fournisseurs aux consommateurs. Si nous ne modifions pas la société maintenant, le monde court un grand danger.

Votre marque en 3 mots ?

Régénérant La beauté (ouvert d’esprit) Collaboration

Business et éthique, c’est possible ?

C’est une bonne question! La capitalisme ne sera jamais durable en raison de la différence sociale : si vous concentrez le capital, vous pourrez jamais être durable, vous devez être égalitaire… Le commerce durable est une manière de construire un nouveau système économique. Nous faisons partie d’un changement qui va prendre du temps, c’est un processus. Au Brésil, ma marque est une référence pour les jeunes. Ils comprennent maintenant qu’il est possible de corriger la situation! Nous ne sommes pas une grande entreprise, nous ne sommes pas pas riches, mais nous-nous développons.

Quelles sont vos inspirations ?

Le processus en lui-même m’inspire, je réalise la teinture moi-même, je crée les couleurs et je choisis les matières. Voir la soie qui danse dans l’eau et la lumière qui en jaillit m’inspire. Je vois de la poésie dans le processus. La nature m’inspire aussi et m’apprend beaucoup sur le modèle économique que j’ai créé, telle que la manière dont les plantes survivent et cohabitent. J’aime beaucoup voyager, pour me renseigner sur les différentes manières de vivre ensemble. Ce mélange de simplicité et de sophistication se traduisent dans mon travail.

Pourquoi IMPACT?

Nous-nous sommes lancés sur le marché européen l’année dernière en ouvrant une boutique à Lisbonne. Nos meilleurs clients se situent dans le sud de la France. Cela nous a poussé à participer à IMPACT, le nouveau salon! Il faut être prudent de ne pas faire de “greenwashing”. Nous devons nous développer, il est mieux d’aller étape par étape, que de ne rien enclencher du tout!

Du côté du consommateur, quels changements notoires avez-vous constaté ?

Nous avons de bons clients qui sont concernés par l’écoresponsabilité. Ils mangent bio et utilisent des produits cosmétiques bio. ils sont réellement engagés pour changer leurs habitudes. Néanmoins, je vends aussi aux personnes qui ne sont pas de tout intéressés par le sujet. Ce qui est intéressant lorsque mes clients achètent des pièces uniquement pour leur apparence, je peux alors leur raconter une histoire. C’est alors qu’ils commencent à changer certains petits aspects de leur vie. Par exemple, nous avons monté un partenariat avec une marque de savon bio, pour que nos client puissent laver leur vêtements avec du savon sans pétrole. De plus, nous ne vendons aucun produit composé de plastique. Le but et qu’ils achètent moins mais mieux, pour qu’ils puissent porter leurs vêtements pendant 10 ans ou plus!

À quels obstacles êtes-vous confrontés aujourd’hui au quotidien ?

Le plus difficile pour nous au Brésil est l’investissement dans la technologie parce que nous-nous devons de combiner les traditions ancestrales avec la technologie. L’autre difficulté est notre président, et sa gestion des feux de forêt en Amazonie. Je pense qu'aujourd'hui, la résistance politique peut faire appel à la mode, en montrant que nous pouvons faire croître notre économie tout en préservant la nature. Le gouvernement actuel ne soutient pas la durabilité, l'innovation ou la technologie.

Comment voyez-vous la mode de demain ?

Les gens disent que la mode est morte, mais c'est comme dire "le désir est mort", ce qui n'est pas vrai ! Nous avons besoin de créer et de consommer, d'acheter de nouvelles choses, de nous exprimer, de désirer. La mode est donc bien vivante. La mode, c'est avoir la liberté d'exprimer son style, ses idées et sa créativité. Quand je crée mes collections, je dessine pour un monde nouveau et meilleur! J'espère que la mode commence à devenir plus démocratique, libre d'explorer de nouvelles esthétiques, de nouvelles formes et de nouveaux styles, de nouveaux corps et de nouvelles couleurs de peau. J'espère que le marché commence à s'engager pour une qualité supérieure et une meilleure fabrication, c'est important parce que la “fast fashion” ne fait que croître. Nous devons créer un nouveau système économique dans ce monde....

Une belle rencontre et les coups de coeur sur Impact?

J'ai rencontré des personnes charmantes, des étudiants, des clients et des gens qui voulaient entreprendre dans le domaine de la mode durable et du shopping éthique. Mais aussi des personnes qui s'en moquaient et qui aimaient tout simplement notre style. Je pense que cet événement est très intéressant, car de nombreuses cultures se mélangent les unes aux autres.

Quels sont vos projets ? Quel avenir voyez-vous pour votre marque ?

En raison de la situation politique au Brésil, je veux développer ma marque en Europe. Il est important d'élargir mon concept et d'améliorer le soutien aux artisans et aux communautés, ce que je fais déjà. Je continue aussi mes recherches, je tente de développer une nouvelle fibre, un peu comme le lin, à partir d'une plante indigène brésilienne.