27 Nov. 2019

Entretien avec Valentine Gauthier, créatrice de la marque éponyme

Designers

Valentine Gauthier ou l'éthique pour prérequis


Valentine Gauthier fonde en 2007 sa marque éponyme de prêt-à-porter féminin, une première boutique suivra ensuite en 2009 dans le Marais. Elle est la pionnière d’une mode juste, transparente, respectueuse de l’environnement et des humains. Très tôt, de fortes valeurs éthiques sont au coeur de son processus créatif mais loin d’elle le souhait d’en faire un pilier de sa communication. On vient chez Valentine Gauthier avant tout pour de belles pièces, qui durent dans le temps. Elle affirme “d’être plus une ‘faiseuse de vêtements’ qu’une ‘faiseuse de mode’ ”. Entretien :

Comment est née votre marque ?

Mes études en géo-ethnologie me destinaient à être ingénieur en écologie, mais la création me manquait terriblement et je trouvais que la mode permettait de toucher les gens de la rue, de ne pas rester enfermée dans un monde purement artistique. J’ai donc fait l’atelier Chardon Savard, en parallèle je travaillais avec Martin Margiela comme petite main dans son atelier ; j’ai ensuite été Directrice Artistique pour un concept store de maison. C’est enfin le Festival International des Jeunes Créateurs de Mode de Dinard qui m’a permis de me lancer.



Comment êtes-vous arrivée sur le chemin de la mode éco-responsable ?

C’est une démarche logique ! Ce n’est pas un axe marketing, le monde devrait prendre ce tournant. Il faut revoir les choses comme autrefois, finalement ce n’est pas révolutionnaire. Lors de ma formation à Chardon Savard, j’ai été choquée de voir que la sensibilisation à l’écologie dans le textile était inexistante. Je suis allée en Uruguay tricoter des pulls à la main dans une association de femmes. Cela me semblait évident de travailler ainsi, avec les artisans.



Votre marque en 3 mots ?

  • Engagée
  • Juste
  • Cool




  • Allier business et éthique, c’est possible ?

    Si business veut dire : faire une grosse marge, et avoir une énorme comptabilité, non ! Par contre, si business signifie : vivre correctement avec une petite équipe de personnes justement rémunérée et des produits de qualité, alors oui c’est possible !



    Quelles sont vos inspirations ?

    D’un peu partout ! J’essaye de donner un thème et je me dis qu’il faut s’accorder avec les saisons. Il faut arrêter de présenter des shorts en janvier et des fourrures en juillet ! Je peux injecter des pièces dans ma collection si je le décide car j’ai un magasin et je connais toute ma chaîne de production. De plus, nous travaillons en direct, en circuit court : sans intermédiaires et avec des fabricants aux portes de Paris. Nous collaborons aussi avec une association de femmes en Inde, qui nous amènent des savoirs faires précieux comme la broderie par exemple.

    Pourquoi Impact ?

    Car il faut que le système change, et cela s'opérera grâce à des marques ultra investies.



    Du côté du consommateur, quels changements notoires avez-vous constaté ?

    Mes clientes viennent pour le style et certaines fidèles s’intéressent plus à ma façon de travailler, car nous les avons convaincues. Il reste encore à sensibiliser le consommateur au niveau des matières, pour qu’il sache reconnaître la qualité du vêtement et donc du tissu. Nous utilisons des tissus faits par des maisons historiques et nous sommes très sélectifs par rapport à ce qu’ils nous proposent. Nous évitons les matières polluantes et favorisons la laine recyclée. Nous privilégions en général les matières naturelles, recyclées ou certifiées GOTS (textile biologique).



    À quels obstacles êtes-vous confrontés au quotidien ?

    Nous sommes une petite entreprise et nous ne pouvons pas produire de grosse quantité. Nous devons donc trouver des fabricants partenaires qui acceptent de faire des petites séries et aussi des fabricants de tissu !



    Comment voyez-vous la mode de demain ?

    Plus responsable, c’est évident !



    Une belle rencontre et les coups de coeur sur Impact ?

    J’ai découvert OTH, une marque de baskets dont la semelle est en pneu.



    Décrivez Impact en 3 verbes / mots.

  • Suite logique
  • Commencement
  • Engagement




  • Quels sont vos projets ? Quel avenir pour votre marque ?

    L’avenir, c’est d’arrêter de se faire mal finalement. Il faut se poser les bonnes questions et pas que dans la mode : se demander aussi comment on interagit avec la planète et nos enfants. Il faut repenser notre façon de consommer. J’écoutais Michel Auboule qui évoquait la médecine holistique et expliquait comment être en phase avec soi même pour ne pas tomber malade. Il s’agit aussi d’être en phase avec son environnement. cela s’applique aussi à la mode et à tous les autres secteurs. Je considère que chaque objet a une âme et se transmet. Certaines clientes me racontent que leurs filles leurs empruntent des pièces, qui ont pris du temps à être conçues : tout le contraire des grosses enseignes.