Le marché de la location s'impose comme nouvelle tendance et alternative responsable
Durant les quatre jours d’Impact, le rendez-vous de la mode éco-responsable à Paris qui a eu lieu début septembre, plus d’une centaine d’intervenants sont venus proclamer leur foi en une mode nouvelle et en un système durable et équitable. Quatre jours d’échange, de partage et de collaboration pour débattre de la mode et de son avenir, de l’industrie et de l’urgence climatique. Face à ces nouvelles considérations économiques et environnementales, d’autres modes de consommation apparaissent. Si la seconde-main et l’upcycling sont des tendances avérées de la mode et du luxe déjà visibles sur les plus hauts sommets des podiums, le marché de la location s’impose désormais à l’horizon comme une évidence. Une alternative responsable.
Bienvenue dans l’ère de l’usage. La fin de la possession ? La tendance dessine en tout cas les contours d’un monde où le locatif semble prédominer dans les choix du consommateur. S’en est-il alors terminé de la propriété, pierre angulaire de la société de consommation ? La mode du jetable, initiée par des années de fast-fashion, voit-t-elle son modèle peu à peu rattrapé par une économie plus circulaire ? Vaste problématique à laquelle ont tenté de répondre Agathe Cuvelier, la fondatrice des Cachotières, Lucie Soulard de Place2Swap, Ludovic Quinault de la marque éthique SKFK et Pierre-Arnaud Grenade de ba&sh autour de Pierre-Nicolas Hurstel d’Arianee.
Après l’industrie agro-alimentaire, du film, de la musique et des transports; après Deliveroo, Netflix, Spotify, Uber, ou encore Blablacar : la mode, éternelle rebelle, ne pouvait pas ignorer plus longtemps ce nouveau mode de consommation. La location séduit aujourd’hui une clientèle de plus en plus large : millennial volatile, fashion addict ou encore citoyen prévoyant. La crise économique, l’enjeu climatique, la remise en cause de l’hyper-consommation mondialisée sont autant de facteurs qui poussent à un revirement des valeurs du côté du consommateur. Parallèlement, le nomadisme croissant de la société, le fast-living et la dictature de l’instantanéité et de l’image ont favorisé l’émergence d’une mode toujours plus rapide et toujours plus volage. Face à l’obsolescence croissante des goûts et des désirs, la location de vêtements devient une alternative mode : économique, responsable et durable. “Nos meilleures clientes sont déjà dans la non-possession. Toutes sont éduquées sur la question et partagent des valeurs bien ancrées. Désormais, elles ne font plus que louer”, s’exclame Agathe Cuvelier des Cachotières qui propose la location de robes de soirée. Alors la mode de l’usage, le règne de l’éphémère ? Certes, tout comme la fast-fashion l’avait déjà initié à travers l’obsolescence programmée. Mais si certaines aficionadas de mode ont déjà fait de la location leur nouveau cheval de bataille, la majorité de cette clientèle tente encore de l’appréhender.
“La location reste aujourd’hui une tendance, on n’assiste pas encore à un raz-de-marée”, explique Ludovic Quinault, fondateur de la marque éco-responsable SKFK. Il s’agit pour le moment de trouver un modèle viable, la location étant un marché complexe dont la maîtrise de la logistique et des technologies est un véritable passage obligé. Pour résumer, il faut investir énormément pour atteindre la rentabilité. La référence outre-Atlantique de Rent The Runway, la start-up spécialiste de la location d’articles de mode fait pourtant rêver avec une entreprise valorisée à 1 milliard de dollars et comptant plus de 9 millions d’utilisateurs depuis sa création en 2009. Un marché très prometteur, et désormais incontournable, que les marques et le luxe observent avec attention.
Avec le digital et la multiplication des mass markets, les marques elles-mêmes tentent de s’approprier cette tendance. L’objectif : réintégrer ce modèle dans leurs propres enseignes afin de s’inscrire de manière durable dans l’économie circulaire. C’est ce que propose Place2Swap dont la plateforme permet aux marques d’intégrer le marché de l’occasion dans leur modèle économique. C’est aussi le pari de ba&sh qui, fort de sa transition digitale, offre désormais ce service de location à ses clients. “Un projet cohérent avec l’identité de ba&sh, juge Pierre-Arnaud Grenade. C’est aussi une manière de s’allier à nos clientes sur du long-terme.” Un véritable défi à relever.
“Le consommateur cherche désormais un produit unique qui lui ressemble et traduit sa personnalité”, conclut Lucie Soulard de Place2Swap. Le vêtement est un marqueur d’identité et la location offre cette possibilité infinie de renouvellement et de looks. Une mode de l’usage donc, au service de la créativité et de la personnalité du client. “La créativité, c’est le moteur numéro un de la location”, juge ainsi Ludovic Quinault. Une mode au gré des fantaisies, des tendances et des saisons. Plus encore, une mode qui se vit comme une expérience. À en juger la multitude de start-ups et d’enseignes qui se lancent et percent dans ce créneau - Les Cachotières, Panoply, Couture Market, Une Robe Un Soir... - la location pourrait bel bien devenir un véritable Eldorado.