07 Jan. 2020

LA SECONDE MAIN : LE LUXE DE DEMAIN ?

Tendances

Talk IMPACT autour du marché de la seconde-main


Comment êtes-vous habillé aujourd’hui ? Un petit constat s’impose. Que portez-vous ? Quelle marque ? Quelle année ? Quelle fabrication ? Quelle origine ? Autant de questions que l’on se posait peu il y a quelques temps mais qui deviennent aujourd’hui de réelles interrogations dans le quotidien du consommateur. Après la politique, l’agro-alimentaire ou la cosmétique, le principe de responsabilité s’invite désormais dans nos placards. La dimension éthique d’un vêtement est devenue un gage de valeur, plus encore : une source de désirabilité. Quoi de plus éthique alors que la mode de seconde main ? C’est à cette question que sont venus répondre Camille Greco, de Crush On, Carina Hopper de Lablaco et Bruno Vanhove de Disruptual autour de Pierre-Nicolas Hurstel d’Arianee.

En 2018, le marché des vêtements d’occasion représentait 21,2 milliards d’euros. En 2023, il représentera 45 milliards d’euros. Plus encore, certains analystes prévoient qu’il dépassera le marché du luxe d’ici 2022 et celui de la fast fashion en 2028. Ces quelques chiffres témoignent du véritable raz-de-marée que représente le marché de seconde main dans l’industrie de la mode. Bruno Vanhove, directeur commercial de Disruptual, explique : “L’industrie invente un nouveau mode de distribution face à l’évolution des comportements et valeurs du consommateur”. Ces dernières années, on a constaté à rebours le “True Cost” de la mode, comme en témoignait déjà en 2013 le documentaire choc d’Andrew Morgan. Un coût sanitaire, environnemental et humain. Face aux exigences et aux failles de ce fast-system mondialisé, on s’inquiétait déjà du rythme effréné des collections, de la surproduction massive et du gaspillage à outrance appliquant à la lettre le modèle “take, make, dispose”. Il aura fallu quelques années pourtant pour que ces inquiétudes parviennent véritablement jusqu’au grand public et que celui-ci change sa manière de consommer le vêtement. Désormais, le principe d’éco-responsabilité est au coeur du principe d’achat remettant ainsi au centre de la chaîne de valeurs ce qui fait par essence la mode : le monde et l’homme.

Ce nouveau mouvement de fond perceptible à toutes les strates de la société remet ainsi le marché de seconde main, trop longtemps relayé en seconde zone, au coeur de la dynamique d’achat, comme en témoigne l’image bankable d’Emmaüs, de Super Marché, de Vide Dressing ou Vestiaire Collective pour n’en citer que quelques-uns... Friperie, brocante, e-shop, la revente de vêtements est partout et elle est définitivement tendance. Réussir à rendre la fripe trendy, c’était d’ailleurs le pari de Crush On et de sa fondatrice Camille Greco qui propose une sélection originale et pointue de vêtements de seconde main et de créateur éco-responsable. Comme toute une génération de designers et de marques, Camille souhaite endiguer le modèle actuel de production “trop polluant et trop dégradant humainement et écologiquement” grâce à une créativité à toute épreuve et une détermination bien ancrée. Désormais, marques et consommateurs s’engagent ainsi côte à côte pour promouvoir un système plus juste.

“Le vêtement d’occasion existe pourtant depuis la nuit des temps”, souligne Bruno Vanhove. Mais plusieurs facteurs expliquent son explosion ces dernières années. Si l’une d’entre elle est écologique, réduire l’impact du vêtement sur la planète, la première est avant tout économique : acheter un produit à moins 80 % par rapport au prix de vente et permettre d'accéder à des articles haut de gamme. L’achat de vêtements d’occasions permet en effet à tous les aficionados de mode, quelque soit leur bourse, d’acheter des modèles phares, anciens ou de bonne qualité, que l’on n’aurait pu obtenir autrement. Mais l’une des raisons majeures de la réussite de ce nouveau système de revente est sans aucun doute le développement du e-commerce et la digitalisation du marché. Si la seconde main s’est autant démocratisée, c’est en parti grâce à internet. La renommée de Le Bon Coin, introduit en Bourse depuis le début de l’année 2019, ou de Vinted, son plus grand rival, démontre désormais le poids de ces nouveaux sites capables de renverser le système. Un marché de seconde main en plein essor donc, notamment entre particuliers, que s’approprient désormais également les marques et le luxe à travers différents services de collectes, d’upcycling, de réparations des pièces usées ou de programmes de recyclage…

L’offre de seconde main devient donc un horizon certain de l’industrie de la mode et se fraye un chemin grandissant jusque dans ses plus hauts sommets. Une tendance alternative qui n’a pourtant rien de marginal et qui n’a de cesse d’améliorer ses services et sa visibilité au fil des années. Au delà de l’aspect économique certain, la seconde main correspond aux nouvelles valeurs des consommateurs en matière de durabilité. Plus encore, il promeut un modèle fondé sur le culte de l’exception et de la rareté à un consommateur désormais désireux de s’habiller autrement et singulièrement. La seconde main est-t-elle alors devenue le luxe de demain ?