Isabelle Lefort, journaliste de formation, consacre la première partie de sa carrière à l’univers de la presse féminine et du luxe. Elle dirige et crée alors des magazines comme Jalouse, Air France Madame, Elle, Glamour, Biba ou encore La Tribune et moi. Au lendemain de la crise des subprimes, elle veut donner plus de sens à sa vie professionnelle, la rendre plus altruiste, plus engagée. Elle décide donc de s’investir dans le développement durable et commence à collaborer par exemple avec le magazine “We demain”. C’est à ce moment là que Jacques Attali et son équipe la repère et lui propose de rejoindre Positive Planet afin de s’occuper de la programmation du Positive Economy Forum. Par la suite, la Ville de Paris lui fait confiance à son tour et lui donne pour mission de mobiliser le secteur de la mode pour en faire la capitale d’une mode plus responsable, en vue des Jeux Olympiques de 2024. Paris Good Fashion est né il y a 1 an.

Donc l’initiative “Paris Good fashion” a 1 an ?

Pas tout à fait, cela fait un an et demi maintenant que je suis bénévole. Avec la co-fondatrice, Laure Dupavillon, nous avons demandé le soutien de l’Institut Français de la Mode, de la fondation Ellen Mac Arthur, mais aussi de la Fédération de la Haute Couture et de la Mode, LVMH, les Galeries Lafayette, Eyes on Talents, Fashion for Good, le Conseil National du Cuir… Le 28 janvier est la date officielle de la création de Paris Good Fashion, et, en à peine une semaine, ça a décollé !



Quel déclic vous a mis sur le chemin de la mode éthique ?

Je suis journaliste de formation et me suis orientée vers le milieu de la mode pour son univers très créatif, j’ai toutefois toujours eu une approche économique et stratégique, ce qui m’a permis de suivre les actualités sur le développement durable, même si personne n’y croyait au début. Parmi les principaux acteurs du développement durable, il n’y avait personne pour représenter le monde de la mode. Ensuite au moment du Rana Plaza, arrive le projet Anti_fashion, les campagnes “detox” de Greenpeace et des personnes comme Elisabeth Laville qui créé Utopies, mais aussi des marques qui commencent à se développer comme Veja ou le Copenhagen Fashion Summit. Le moment de bascule s’est opéré quand le législatif s’en est emparé il y a a peu près un an et demi et qui implique une nouvelle économie circulaire. Avec la pression de l’urgence climatique, le sujet touche aussi les jeunes générations qui veulent donner du sens. De plus, les enjeux économiques sont énormes : il n’y a donc plus le choix, il faut changer.



Paris good fashion en quelques mots c’est quoi ?

C’est le mouvement des acteurs de la mode et au delà, pour faire de Paris la capitale d’une mode plus responsable d’ici 2024.



Business et ethique c’est possible ?

1- C’est possible, 2- c’est obligatoire ! La décroissance n’est peut-être pas réaliste car le capitalisme est en train de changer en intégrant les dimensions sociales et environnementales, à la fois de la part des petites sociétés mais aussi des grands groupes. Le point de bascule arrive car il faut changer le modèle du cycle industriel de la mode. Comme Roland Barthes l’explique dans son livre Système de la mode, avec des cycles qui s'enchaînent : du sur-mesure de la couturière, au prêt à porter, à l’industrialisation et à la fast fashion. Il faut sortir de ce modèle, et produire moins mais mieux, mais aussi raisonner notre production grâce à la technologie, en adaptant l’offre à la demande et non l’inverse. Il faut aussi mieux concevoir le marché : à l’aide d’une économie circulaire, en passant par le recyclage, la récupération des anciennes matières, le développement de la seconde main … En résumé, être très volontariste et ne pas lâcher !

Quelles sont vos inspirations ?

Je regarde le fonctionnement des autres pays, qui ont d’autres façons de faire, comme de se mettre autour de la table et de partager des opinions pour avancer ensemble. Ce genre de fonctionnement vient de l’Economie Sociale et Solidaire, mais aussi influencé par les mouvement de jeunes ou encore par la communauté Make Sense. Il est urgent de s’inspirer des autres secteurs, ou des mouvements très engagés des jeunes, et de les appliquer au domaine de la mode, ce qui n’a pas été fait précédemment.



Pourquoi Impact ?

Parce qu’il faut accompagner et soutenir toutes les initiatives qui vont dans le bon sens, et avancer ensemble.



Avez vous constaté des changement notoires dans le comportement du consommateur ?

Oui, il suffit de regarder la progression de la consommation des vêtements de seconde main ou encore l'intérêt accru des personnes qui se posent des questions, surtout au niveau de la nouvelle génération. Le plaisir de s’habiller et de choisir ses vêtements, s’acheter des belles choses doit rester intact et c’est tant mieux ! Cela fait partie des plaisirs de la vie, il ne faut pas atténuer ce désir. Aujourd’hui, nous voulons consommer plus responsablement, il y a même parfois une forme de dégoût envers certaines matières, les choses bougent et nous les soutenons : nous lançons début 2020 une grande consultation citoyenne dont l’objectif est de toucher 500 000 personnes pour faire remonter les préconisations des citoyens afin de les incorporer aux initiatives et décisions qui seront prises.



Quels obstacles rencontrez-vous sur votre projet ?

Il y a encore des mauvaises informations qui circulent et c’est rageant car cela envoie un mauvais message. Il faut comprendre l’importance de ce changement à l’heure de la transparence et d’internet, car nous ne pouvons pas faire de faux pas. Si nous étions accusés de greenwashing, cela serait impardonnable.



Comment voyez vous la mode de demain ?

Je la vois et la souhaite plus belle, plus créative, plus naturelle. De nouvelles matières vont voir le jour, issues d’une agriculture régénérative, pour une mode dont nous serons tous fiers et non coupables et toujours en gardant cette folie créative. Si l’on regarde les défilés de prêt à porter de luxe et haute couture des dernières saisons, on y voit beaucoup de perles, de broderies : c’est magnifique. Je pense que c’est un message qui nous pousse à produire des choses encore plus belles, mais mieux !




Impact en 3 verbes d’action ?