14 Nov. 2019

Entretien avec Arnaud Barboteau, créateur de la marque de baskets OTH

Designers

1 PNEU = 3 PAIRES DE BASKETS OTH


C’est il y a un plus d’un an qu’Arnaud Barboteau lance sa marque OTH qui signifie “Off the hook”. OTH est une marque de baskets qui utilise pour sa semelle des pneus de voiture recyclés : chaque semelle est donc découpée directement dans le pneu, ce qui donne une empreinte unique à chacune.

Arnaud Barboteau, comment est née OTH ?

L’idée est venue en voyant une photo d’enfant en Afrique qui, en découpant un rectangle dans un pneu et en l’assemblant avec un bout de ficelle, avait confectionné une sandale. Je me suis demandé pourquoi on ne trouvait pas de chaussure qui utilisait ce matériau là. Nous ne parvenons toujours pas à recycler ce dernier. Je partais du principe qu’un pneu qui dure plusieurs milliers de kilomètres sur une voiture pouvait en faire une centaine de plus au pied des gens, grâce à cette semelle inusable. Finalement je me suis vite rendu compte pourquoi il y avait si peu de gens qui se lançaient dans cette aventure du pneu recyclé : c’est très compliqué. Tout d’abord, la difficulté est de trouver une usine de recyclage qui connaisse la technique du pneu, ensuite une usine de semelles qui veuille bien trouver la recette secrète pour incorporer le pneu à une semelle classique. Nous avons mis deux ans à développer notre chaussure à force de tests, je suis toujours entrain de peaufiner mon produit.



Comment êtes-vous arrivé sur le chemin de la mode éco-responsable ?

J’étais acheteur textile avant dans la grande distribution durant de nombreuses années. Peu à peu, acheter des pièces “jetables” en Asie m’a fait me remettre en question : j’étais en quête de sens et je voulais être cohérent avec les problématiques environnementales présentes. Je me suis lancé dans des recherches car le recyclage du pneu n’existait pas au niveau industriel, nous avons abattu beaucoup de travail en amont avant de lancer notre produit. Nous avons donc eu deux ans de développement pour la semelle et environ 8 mois pour développer l’image de la marque du côté marketing.



Votre marque en 3 mots ?

  • Durable
  • Trendy
  • Intemporelle




  • Business et éthique, c’est possible ?

    Oui, bien sûr ! Mon projet de recyclage a pris 9 mois, une vraie gestation ! Cela coûte cher de créer des produits innovants, de tester des matériaux. Par exemple, en ce moment je travaille sur le bananatex, un matériau nouveau 100% recyclé, complètement vegan qui n’est pas encore utilisé dans l’univers de la chaussure. Le durable est conciliable avec le business mais prend plus de temps et coûte plus cher que les produits de fast fashion.



    Quelles sont vos inspirations ?

    Les marques pionnières comme Freitag, Patagonia ou Eco Alf : des identités dont le durable fait partie de leur ADN, des précurseurs. Quelqu’un aussi, Sir Edmund Hillary qui a escaladé l’Everest. Arrivé au sommet, il a choisi de prendre son sherpa en photo plutôt que lui.

    Pourquoi Impact ?

    Parce que la mode évolue, il y a une véritable prise de conscience, comme celle de l’alimentaire précédemment, le consommateur décrypte et tend vers une consommation moindre mais plus qualitative, “moins mais mieux”. Il faut encourager ces initiatives et pratiques, mettre l’accent sur les marchés considérés “de niche” aujourd’hui et espérer que dans quelques années, tout le paysage soit inversé. Du côté du consommateur, quels changements notoires avez-vous constaté ? Le consommateur est désormais averti puisqu’il est connecté, il va chercher les idées, se renseigner et poser des questions techniques. En tant que marque, il faut avoir un discours transparent et honnête, transmettre les informations, sensibiliser et éduquer.



    À quels obstacles êtes-vous confrontés au quotidien ?

    En tant que jeune marque, c’est le côté financier qui est complexe à gérer. Pour toute la question du durable, il s’agit de trouver des alternatives pérennes qui correspondent à son ADN et d’éviter le greenwashing (le cuir de pomme n’est pas sustainable).



    Une belle rencontre et/ou des coups de coeur sur Impact ?

    Oui j’aime beaucoup Francs Bourgeois et le “recycleather”. Ce sont mes voisins de stand et leur matériau est une innovation qui présente une réelle solution durable. J’ai aussi découvert la marque Au Juste, un duo de frère et soeur très sympas !



    Quel avenir pour votre marque ? Que voyez vous pour le futur ?

    Le but est de sortir une basket 100% recyclée et 100% recyclable. Nous en sommes aujourd’hui à 98%. Ce sont les oeillets des lacets les plus durs à trouver !




    Décrivez Impact.

    Brut